Après le film de Xavier Dolan.
Nous étions réunis
dans un rêve nocturne;
Tous les deux emportés,
par une course folle,
éperdus par le temps et la menace.
Filmant clandestinement
en des pièces secrètes,
ton film s’élaborait
dans une ambiance étrange
et bruissant de cent langues.
Au centre,
tu dirigeais les prises de vue,
créant ton histoire et guidant les acteurs;
Tu avais envahi l’espace
de mille petites notes jaunes
et d’objets familiers;
Chaque appartement
qui nous servait d’accueil
recelait d’une part
de la détresse du monde;
Dans ce dernier, à gauche :
un petit monsieur juif
au manteau de forme obstinée
se cachant des pogroms;
À droite, des enfants abandonnés
dont j’épongeais la morve
coulant en ruisseaux spongieux
sur le parquet vieilli;
À l’approche des agents effarants,
zélés et mortifères serviteurs
de la grande répression,
nous fuyions par les fenêtres ouvertes;
Enjambant les balcons,
le linge frais séchant aux fenêtres
nous accueillait comme des pétales d’iris blancs
et nous déposait au sol avec délicatesse;
Puis, riant de notre fuite,
nous reprenions notre course
vers d’autres lieux secrets,
notre cœur battant à rompre;
Dans cette banlieue grise de Montréal,
traversée de mornes trains aveugles
aux stridences de métal soumis.