Te souviens-tu,
sur les pentes entamées de lumière,
tu allais comme un prince,
et rien ne t’entamait.
Le vent se pliait à ton passage,
les pierres épousaient ton pas
comme une promesse d’altitude.
Tu marchais entre les seuils,
là où le temps se plie
et où les noms s’effacent.
Tu portais en toi
l’éclat de ce qui précède les mondes.
Un silence t’enveloppait,
non pour te taire,
mais pour t’ensemencer.
Tu n’étais plus un prince,
mais un passage.
Un souffle.
Un trait d’aurore
sur la peau oubliée des collines.
Et les étoiles,
ces claires veilleuses du silence,
s’inclinaient à ton passage
comme si la poussière dont tu étais fait
se souvenait de leur feu.
Le souffle des constellations
animait ta poitrine
comme un vent d’avant la mémoire,
et chaque battement
répandait dans l’éther
le secret oublié
du premier son du monde.
Tu n’étais plus un corps,
mais une frêle ouverture,
une faille dorée dans le réel,
où l’infini
goûte à la limite
sans s’y dissoudre.
Et les sphères, les anneaux,
les mondes lovés dans d’autres mondes,
t’enseignaient la courbe sacrée
du recommencement.
Ton pas touchait la matière
sans jamais l’asservir.
Ton regard,
désarmé de tout désir,
portait l’univers
comme on porte une graine.
Tu étais toute la voix
des soleils intérieurs.
Puis le monde t’a appelé,
non par une clameur nette,
mais par la courbe discrète
d’une branche tendue vers l’aube,
la fatigue d’un pain rompu,
le regard sans pourquoi
d’un passant.
Et tu es revenu,
sans fanfare,
sans flamme,
par la porte étroite des jours simples,
là où le chant s’oublie
pour devenir respiration.
Tu es revenu,
non pas vêtu de gloire,
ni suivi d’éclats,
mais simplement,
comme l’eau revient au creux de la terre
après avoir touché les nuages.
Tu es revenu
par les chemins discrets
où chantent les moineaux,
où les feuilles tombent sans bruit
et où les visages vieillissent
en silence,
comme mûrit un fruit.
Tu as reconnu les pierres
que ton pas avait un jour quittées,
tu as reconnu la table,
la voix,
la fatigue des choses.
Tu as posé ta main
sur la porte entrouverte
du quotidien,
et elle ne t’a pas repoussé.
Tu as bu l’eau simple,
non pour y lire un secret,
mais parce que tu avais soif.
Et cela t’a suffi.
Le monde n’avait pas changé,
mais il te contenait.
Tu l’as regardé
sans envie de comprendre,
et c’est lui
qui t’a compris.
Alors tu t’es assis,
sans nom,
sans attente,
face au levant du jour,
comme pour la première fois.
Et dans ce silence neuf,
où rien ne pesait plus,
tu as senti,
très doucement,
la vie venir en toi
comme une lumière d’or.