Umaniti

Dominique Radisson {Textes, poèmes & autres}

Lève-toi, et viens vers toi-même

Une traduction personnelle d’un des plus beaux passages du Cantique des cantiques.

Elle

Je recevrai les baisers de sa bouche,
Car ses caresses sont plus douces que le vin;
Ton nom est comme un parfum qui se répand;
Prends ma main, mon bien-aimé,
Emmène-moi, courons !
Le roi m’a conduite dans ses appartements,
Mais c’est en toi que nous nous réjouirons.
Nous nous souviendrons de notre amour
Plus que du meilleur vin.

Lui
Aux richesses du riche, tu es semblable, ô ma compagne !
Si charmantes sont tes joues ornées de rangs de perles;
Et ton cou paré de colliers,
Nous y accrocherons de l’or tout pailleté d’argent.

Elle
Tandis que le roi repose,
Mon parfum exhale son arôme.
Mon bien-aimé est pour moi
Comme un bouquet de myrrhe,
Qui repose entre mes seins.
Mon bien-aimé est pour moi
Grappe de henné dans les vignes d’En-Guédi.

Lui
Te voici belle, ma compagne,
Te voici, ma belle aux yeux palombes.

Elle
Que tu es beau, mon amant, et ô combien je t’aime;
Notre lit est un tapis de fleurs,
Les poutres de nos maisons sont de cèdre, leurs lambris de cyprès.

Lui
Comme une rose parmi les ronces,
Telle est ma compagne, parmi les femmes.

Elle
Comme un arbre fruitier parmi les arbres,
Tel est mon amant, parmi les hommes.

Je désirais son ombre, j’y habite;
Son fruit est doux à mon palais.
Il m’a conduite dans le palais du nectar;
Et m’a vêtue de son amour.

Lui
Je vous adjure, filles de Jerusalem,
Par les gazelles ou par les biches des champs,
N’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour avant qu’il le désire !

Elle
C’est la voix de mon bien-aimé!
Le voici qui vient, franchissant les montagnes, bondissant sur les collines.
ll ressemble, mon amant, au chevreuil ou au faon des biches;
Le voici qui se tient derrière notre muraille,
Qui regarde par les fenêtres, qui observe par le treillis!
Il répond, mon amant, et me dit:

Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !

Lui
Oui, voici, l’hiver est passé, la pluie a cessé, elle s’en est allée.
Les bourgeons recouvrent la terre, la saison des chants est arrivée,
La voix de la tourterelle se fait entendre dans nos campagnes.
Le figuier embaume, les jeunes vignes répandent leur parfum.

Lève-toi vers toi-même, ma compagne, ma belle, et va vers toi-même !

Ma colombe, nichée dans les fentes du rocher,
Cachée dans les pentes abruptes,
Laisse-moi voir ton visage et entendre ta voix,
Car ta voix est douce et ton visage gracieux.

Elle
Mon amant est à moi, et moi je suis à lui; ce berger aux mille roses.
Jusqu’à ce que le jour soit, et que s’enfuient les ombres,
Ressemble, ô mon amant, au chevreuil ou au faon des biches,
Sur les monts déchiquetés de Béther.

Sur ma couche, dans les nuits, j’ai cherché celui qu’aime mon être.
Je l’ai cherché, mais ne l’ai pas trouvé.
Je me lèverai donc, et marcherai dans la ville,
Dans les marchés, sur les places.
Je chercherai celui qu’aime mon être. Je l’ai cherché mais ne l’ai pas trouvé.
Les gardes qui tournaient dans la ville m’ont trouvée.
« Celui qu’aime mon être, l’avez-vous vu ? »
De peu les avais-je dépassés que je trouvai celui qu’aime mon être.
Je l’ai saisi et ne le lâcherai pas
Avant qu’il ne soit entré dans la maison de ma mère,
Dans la chambre de celle qui m’a mise au monde

Lui
Je vous adjure, filles de Jerusalem,
Par les gazelles ou par les biches des champs,
N’éveillez pas, ne réveillez pas l’amour jusqu’à ce qu’il le veuille !

Te voici belle, ma compagne, te voici belle !
Tes yeux palombes à travers ton litham;
Tes cheveux tel un troupeau sauvage dévalant Galaad;
Tes lèvres, tel un fil d’écarlate, ta voie harmonieuse;
Ta tempe à travers l’étoffe, telle une tranche de grenade;
Ton cou, tour de David conçue pour les trophées:
Mille pavois y sont suspendus, tous les carquois des héros.
Tes deux seins, tels deux faons, jumeaux d’une biche
Qui paissent parmi les roses.

Avant que le jour soit, et que s’enfuient les ombres,
J’irai au mont de la myrrhe, à la colline de l’oliban.

Toi, toute belle, ma compagne, ma fiancée sans défauts,
Tu as capté mon cœur, ô ma sœur, ma fiancée,
Tu as capté mon cœur par un de tes regards,
Par un des colliers qui ornent ton cou.
Tes caresses sont meilleures que le meilleur des vins !
La senteur de tes parfums plus que tous les arômes !
Tes lèvres, ô fiancée, distillent la douceur du miel;
Du miel et du lait coulent sous ta langue,
Et ton odeur, comme l’odeur du Liban.

Jardin fermé, ma soeur-fiancée,
Source fermée, fontaine scellée;
Tes sucs sont un verger de grenadiers et de fruits exquis,
De henné et de nard, de nard et de safran;
De lis et de cannelle;
Myrrhe, aloès, et même tous les arômes !
Ma bien-aimée, fontaine des jardins,
Puits et source d’eaux vives ruisselant du Levant !

Elle
Réveille-toi, ô vent du nord, et viens, ô vent du midi!
Soufflez dans mon jardin, que ses effluves s’exhalent!
Que mon bien-aimé entre dans son jardin,
Et qu’il s’y régale de toutes ses succulences.

Lui
Je suis entré dans mon jardin, ô ma sœur, ma fiancée;
J’ai récolté ma myrrhe et mon baume,
J’ai mangé de mes rayons de miel, j’ai bu mon vin et mon lait.

Mangez, buvez, bien-aimés, enivrez-vous d’amour !