À la fin des années 90, j’avais créé un site Internet qui s’intitulait « Comme un arbre ». J’y parlais de taiji quan et d’énergie, d’aïkido, de spiritualité, de conscience, de questions sociales.
À quelques nuances —et beaucoup de fruits— près, c’était le précurseur de Umaniti.
Récemment, je me promenais un matin sur un chemin de pierre dans la campagne montpelliéraine. Le paysage s’étalant devant moi avait cette grâce que seule la Méditerranée sait offrir aux terres qui la bordent. Des brassées odorantes, thyms jeunes et résines de pins, montaient en chapelets croisés se dissoudre dans le ciel bleu azur. La lumière était magnifique.
Je suis resté un long moment à contempler le paysage, et mon regard a été attiré par les arbres. J’observai l’un et l’autre, et le suivant encore. Des oliviers, peupliers, marronniers, chênes et autres espèces que je ne peux nommer.
À regarder ces arbres, une pensée m’est venue : un texte, c’est comme un arbre.
Le tronc : le propos;
Les branches : les idées;
Le feuillage : le style;
Les racines : l’expérience en soi.
Quelle que soit sa forme, l’arbre cherche à s’élancer vers le ciel, c’est-à-dire, pour l’écrivain tel que je l’imagine, tendre vers la signification et l’expressivité les plus accomplies possible.
Parfois, l’arbre retombe sur lui-même, en forme de soliloque, ou bien son tronc est puissant mais très court, comme un propos péremptoire. Parfois, le tronc est long, le développement est important, ou se subdivise : le propos est à tiroirs. Parfois, le feuillage est très dense, le style resserré, créant l’opacité. Ou bien touffu, générant confusion. Parfois, les branches s’enchevêtrent, se mélangent en une composition chaotique.
Mais à bien y regarder, quelle que soit sa forme, il est impossible de décréter qu’un arbre soit laid. Il y a toujours une harmonie perceptible entre ses constituants et ses parties. Et même lorsqu’il est couché au sol, il cherche toujours à envoyer ses branches vers la lumière.
Au fond, peu importent les composantes du texte, du moment qu’il soit comme une arbre : unique et harmonieux, tendant vers la clarté. Et parce qu’aucun arbre n’a consciemment souhaité être tel qu’il est, l’harmonie ne saurait être recherchée, ni comme un moyen, ni même comme une fin. Elle ne peut être qu’une résultante indépendante de la volonté.
« Voilà, c’est ça, écrire », me suis-je dit. C’est planter un arbre dans le champ de la conscience et de la vie. Et advienne que sera.