Il faisait beau sur Uluru

Uluru Beer :-(
Uluru Beer :-(

Il faisait beau sur Uluru, ce matin-là.
Il faisait beau et j’ai pleuré l’obscénité du peuple d’Occident.
J’ai pleuré les voix fortes, les rires vulgaires et déplacés sur cette terre sacrée. Les objectifs fouillant l’espace, avides, et qui ne respectent pas. Les allées et venues incessantes des voitures, motos, 4×4 climatisés. Le bourdonnement continu des avions et des hélicoptères dans le ciel devenu linceul.

Le bruit incessant de l’Occident.

Aujourd’hui, l’espace sacré des peuples aborigènes est violé matin et soir par les touristes voleurs d’images. Il est profané tout au long du jour par les touristes voleurs de chemins.
Aujourd’hui, l’Occident continue insidieusement à perpétrer le massacre des peuples aborigènes. Les déclencheurs des appareils de prise de vue ont remplacé les barillets des fusils. L’alcool a remplacé l’arsenic déversé dans les sources. La précarité a remplacé les couvertures infectées de syphilis et de variole.

Bien sûr, en vingt ans, des avancées notables ont eu lieu : une partie des terres a été rétrocédée, des droits reconnus. Mais ce matin-là, au pied du rocher d’Uluru, elles paraissaient dérisoires. Immensément dérisoires.
Acquises à quel prix ?
Concédées de quel cœur ?
Portées par quelle conscience ?

Il faisait beau sur Uluru ce matin-là. Au cœur du rocher, la tribu Anangu procédait aux préparatifs des cérémonies d’adieu à un vieux sage. Un très vieux sage. Un de leurs plus haut dignitaires, décédé quelques jours auparavant, et qui œuvra inlassablement à ce que les peuples de l’ancien et du nouveau monde se comprennent et se concilient. En signe de deuil, exceptionnellement ce jour-là, l’ascension du rocher ne serait pas autorisée.

L’espace d’un instant, le calme se posa de nouveau sur la terre d’Uluru. Le bruissement des arbres, le cri des oiseaux, le bourdonnement des insectes se mêlèrent au chant du rocher et à la vibration infinie de la plaine.

Ils enfantèrent d’un silence éternel, immuable.

Les avions de tourisme n’allaient pas tarder à revenir, leur moteur rugissant fendant l’éternité…

Uluru, le 22 mai 2001