Une île,
Bien sûr, une île…
Quelle autre possible ?
Une île,
Point d’inflexion constant
Sur l’horizon certain,
Point d’interrogation brûlant
Sur la ligne du temps,
Point d’exclamation envoûtant
Sur la carte du tendre ;
Source d’eaux et refuge
De fruits autant qu’abri,
Nuées d’oiseaux rares
Sous la frondaison claire
Des rêves flamboyants,
Pensées multicolores
Sur des lits de pivoines
Bordés d’une lune d’argent ;
Une île,
Île mystère,
Tant de fois convoitée
Par les pirates du verbe,
Forbans de la pensée,
Flibustiers du désir ;
Mais une île inconquise,
Jamais arraisonnée,
Entière et respectée
Dans son atoll de lys ;
Une île,
Vaisseau,
Territoire,
Continent,
Univers ;
Gorgée
Des fruits de la mémoire
Tapissés en corolles,
Cascades d’espoirs émeraudes
Et de sucs délectables,
Traces de pas sur le sable
Près la lèvre d’une eau blonde ;
Une île,
Échappant à toute longitude,
Ignorée des latitudes ;
Nourrissant les étoiles
Lors des nuits de plein-jeûne,
Abreuvant tous les cieux
D’une liqueur de soie ;
Corail en langue des sables
D’une tendresse inconnue,
Lagons-sources insondables
Révélés par éclairs,
Tapissés de lins bleus
Sous la chaleur ardente
De grandes prairies marines ;
Mystère de l’en-dessous…
Oh oui, île de mystère !
Bras-parenthèses ouvrantes
Tutoyant l’infini ;
Une île parcourue
De frissons de lave fauve
Sous des orages fertiles ;
Une île fluctuante,
Animée de vents purs
Mais de courants contraires
Entre mer des possibles
Et océan du rêve ;
Quelque part…
Une île aux seins de terre
Tendrement arrondie
Comme collines toscanes
Sous un ciel nu d’avril,
Au ventre chaud et doux
D’une tourterelle d’argile,
À-pics vertigineux,
Chair d’améthystes rares
Déroutant les regards ;
Une île
Aux mains de jonquilles fraîches
Comme des matins clairs ;
Une île infiniment indifférente
Aux ouragans qu’elle attise
Par ses chants magnétiques,
Préférant ciseler
En orfèvre sensible
Son intime tectonique
Par des chemins secrets ;
Une île faisant de l’ombre
À tous les continents ;
Une île éternité
En l’épicentre de son secret,
Où une déesse de lait,
Fille du plus chaud soleil,
Enfanta d’une vallée
Irrigante de miel ;
Et d’un temple d’or ailé
Où les dieux s’émerveillent ;
Une île d’une vie
Et du hasard des vagues ;
Une île,
Dont la lumière honore
Chaque jour à cinq heures trente
Une à une les courbes
D’un fin pinceau d’aurore ;
Enfin,
Une île,
Qu’un simple voyageur
Au sourire de joie
Sur un bateau rêveur
Éperdument,
Aima ;
Une île,
Bien sûr, une île ;
L’île d’Elle.