En cette fin de journée d’été, chaude et fraîche comme l’eau joueuse d’une fontaine, la colline de Provence se reposait des vibrations du jour.
Libérés de la chape complice du soleil dardant, les parfums des plantes aromatiques chantaient leurs adieux à la terre rouge en notes odorantes, tantôt aiguës et pointues pour le thym, la sarriette et le serpolet, tantôt rondes et profondes pour la sauge et la ciste.
Le chant de métal hypnotique et lancinant des cigales saturées de vie forte enseignait au promeneur qu’hiérarchiser ses perceptions serait vaine tentative.
Toute la vie dansait et chantait en chœur au son du creux du jour.
Une chevelure de cyprès effeuillait ses mèches d’ombres au front de la colline. Nichée dans ses replis, et la peuplant doucement, la cité transparente était là. C’était un ensemble harmonieux de dômes translucides agrégés en des grappes de raisins clairs. D’un aspect uniforme et d’une taille régulière, à quelques rares exceptions qui ne dérangeaient personne, les dômes semblaient d’un seul tenant, lisses comme des bulles de savon : aucun point d’assemblage, aucune ossature visible ne trahissait la moindre structure interne.
Certaines de ces demeures diaphanes dissimulaient pourtant leur intérieur aux regards. Les habitants, d’un simple effleurement, pouvaient en moduler l’opacité selon leur volonté. Il leur suffisait de poser la main sur la paroi avec une intention précise, et la matière, sensible au toucher, se troublait comme si elle était vivante.
À ceux qui désiraient partager un moment, les chemins vers les autres restaient ouverts. Ceux qui préféraient l’intimité ou la solitude voyaient leur choix naturellement respecté. La structure, la matière et l’organisation même de la cité facilitaient ces allées et venues et ces variations, au rythme des envies et des besoins de chacun. De fait, bien peu de rôles se jouaient entre les habitants, car l’artifice naît toujours du figé.
Les traces d’une douce effervescence humaine affleuraient çà et là à travers les frontières subtiles : la préparation du repas du soir, les conversations, les musiques et les rires se fondaient harmonieusement en ondes de partage dans la douceur du crépuscule. Les éclats de jeux d’enfants fusaient dans l’air limpide, ricochant contre les parois lumineuses en cascades cristallines.
La nuit tombait doucement. Par un contrepoint de fines franges de transparence azurée, l’horizon psalmodiait un gospel de lumière minérale.
La cité transparente s’étirait dans l’heure bleue comme un gros chat de silice paresseux et rêveur.
Sur la façade des dômes translucides consacrés aux assemblées décisionnelles, la devise de la cité apparaissait, gravée dans la matière même par un subtil jeu de transparence. Héritée des temps anciens et des songes des ancêtres, elle proclamait en silence : Liberté, Paix et Lumière.