Umaniti

Dominique Radisson {Textes, poèmes & autres}

Le chemin vers l’œil du cyclone

Dessin : Naia Radisson-Azar

Comprendre.

Un jour, il mettrait des mots sur ce qu’il a vécu. Il comprendra que tout ce qu’il avait accompli était une réponse à l’appel de la vie. L’appel de la vie en lui, le chant de la colline… c’était la même voix, qui l’avait sans relâche appelé à revenir vers elle, à revenir vers lui. Qui ne lui avait jamais rien dit d’autre qu’un seul mot :

« Reviens. »

Se pourrait-il qu’il se fût souvenu ? Il y a longtemps, il avait vécu quelque chose d’extrêmement douloureux. Il avait eu si peur, il était si seul, si démuni, que la Vie l’avait protégé. La Vie, qui ne naît ni ne meurt, avait déployé son intelligence millénaire bienveillante, colombe d’argile pure aux ailes d’eau claire, du plus profond de lui, où elle réside. Pour le protéger, la Vie l’avait coupé de lui-même. Elle l’avait dissocié.

Moi, la Vie, qui ne naît ni ne meurt, joie première de tous les chants qui vibrent, laisse-moi te conter une histoire, ton histoire. Je t’ai créé, et c’est par moi que tu vis. Au plus profond de toi, au plus essentiel, je suis là et je t’anime. Je suis énergie sans formes, courant vital, partie intégrante en toi du grand océan dans lequel baigne le monde, quel que soit le nom que tu me donnes. Depuis la première seconde de ce miracle où je suis venue de lumière en matière en toi, nous sommes indissociables, toi la forme vivifée, moi le flux vivifieur.

Un jour, ta souffrance, ta peur et ta solitude étaient si grandes face à ce que tu vivais, une immensité submergeante menaçait tellement de te briser, la douleur qui enserrait ton cœur dans une gangue noire était telle que le risque était là de te perdre. Alors moi, la Vie, qui suis vents et nuages, pluie et soleil, et tout ce qui vit, je t’ai protégé par réflexe d’amour. Tout ce qui en toi prend, s’échange s’offre et donne au monde, au flux et reflux de ta respiration, je l’ai réduit. Tes voies de communication, je les ai fermées. Tous tes flux percevants et ressentants, je les ai figés. Ton corps de souffle et d’amour, ce par quoi tu aimes le monde, immensément, et échanges avec lui, et reçois de lui, et lui offre de toi, ce corps, je l’ai rétracté.

Car que tu ressentes moins était la seule façon que tu souffres moins.

Te souviens-tu ?

La suite dans un livre à paraître qui s’intitulera : L’œil du cyclone.