Le poète de la troisième aube
Ne se repaît plus de ses propres tourments :
Déchiqueté, arraché, écrasé
Anéanti, écorché, torturé
Insensible, glacé, putréfié :
Restes de violence subie
Retournée contre soi
Ces mots lui sont inutiles
Ô douleur ! ô douleur ! Le Temps mange la vie,
Et l’obscur Ennemi qui nous ronge le cœur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie !
Mille fois nous avons lu
“Écoute comme j’ai mal” :
Plaies grattées
En jouissance
Sans cesse revendiquée
Derrière les gémissements
Et les pointes de feu
L’énergie de la plainte
Qu’elle est bonne et facile !
Mais le cri de la plainte
N’est pas au bon endroit,
Il épargne quelqu’un,
Alors il se dé-verse
Au lieu de se tarir
Se nourrissant sans fin
S’il vous plaît,
Plus besoin de ce cycle
Plus besoin d’invoquer
La figure morbide
À moins de la résoudre
Plus besoin de complainte
Pour se sentir vibrer
Détruire est si facile !
Combien plus difficile
Est de louer le plus
Que de jouir du moins
Le poème de la troisième aube
Chant d’amour
Célébrant le plus, jamais le moins
Nombreux furent celles et ceux
Qui le chantèrent déjà
Qui le chantent toujours
Mais en cette troisième aube
Le chant s’intensifie
Et le nouveau appelle
Avec force redoublée
Aujourd’hui,
Signe des temps :
Enfanter le beau
Inspiré d’éternel
Libre des morsures vieilles
Célébrer à chaque mot
Son statut d’invité
Honoré par la vie,
Pourquoi insulter l’hôte
Qui nous a tout offert ?
Le révolu ne suffit plus,
Le résolu doit vivre,
Le chemin proposé,
La transformation
Comme une perspective,
Comme une invitation,
La transformation
Doit supplanter l’atteinte
Ainsi,
Blessures, morsures
Et chairs calcinées
Appartiennent au passé
Et une voie se libère
Et le centre prend voix
Le poète de la troisième aube
Ne cherche plus à provoquer
Le monde s’en charge déjà assez
Il ne peint plus avec du noir
Le monde l’est déjà bien assez ;
Il tente simplement
De répondre de son mieux
A l’appel du nouveau
Il chante le rare,
Le beau et le précieux
Comme un fou sur la grève
Amoureux des vagues fières
Du soleil et du sable
Respectant la coquille
La moindre particule
Pour lui, tout est sacré
Il chante les mille formes
Et ce qui est derrière :
L’ardoise de lumière-une
Cette pure tablette bleutée
Où tout aime se tracer
Fidèle à son credo :
En mots comme en la vie
Nul besoin de détruire
Pour jouir d’une force
Nul besoin d’écartèlement
Pour justifier les battements
De son sang.
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