Se débarrasser de ce monstre ! S’il le tue, c’en sera fini, et il pourra revenir à la réalité confortable qu’il regrette tant. Il veut revenir avant, dans le monde normal, c’est vital pour lui, s’il reste ici, il va mourir, il sent l’urgence de tout son corps : c’est le monstre ou lui ! Il va se saisir de ce monstre et le secouer, l’étrangler, le broyer, le tuer !!
Le monstre n’a pas tenté de s’enfuir. Il reste là, tremblant, frappé de stupeur, d’avance soumis à cet homme tellement plus grand et plus fort que lui. absurdement figé, il tient encore dérisoirement la dernière corde qu’il avait actionnée dans la main. Gros plan sur sa face déformée, ses yeux.
Le monstre sait ce qui anime l’homme désormais proche de lui à le toucher; il implore du regard la clémence de l’homme.
Gros plan sur les yeux de l’homme déformés par la haine. Il saisit le monstre de ses deux mains et commence à le brutaliser, le secouant avec des mouvements violents.
Puis : comme un coup d’épée au fond du crâne de l’homme: les yeux du monstre sont ceux d’un enfant, d’un enfant triste.
En une fraction de seconde, l’homme comprend.
Sa colère tombe instantanément. Il est bouleversé.
Il cesse de brutaliser le monstre et doucement, ouvre les bras. Le monstre se laisse prendre dans les bras.
L’homme et le petit monstre dans les bras. Long moment. L’homme réconforte le petit monstre comme il le ferait avec un petit enfant; le monstre s’abandonne sur les épaules de l’homme et pleure doucement —avec des petits hoquets. L’homme pleure avec lui. Très long moment.
L’homme tient doucement serré dans ses bras le petit être. Ils pleurent doucement tous les deux. La caméra tourne autour d’eux. Le décor fait place à un paysage magnifique sous un très beau soleil de printemps.
Longues tiges d’herbes caressées par le vent. Nature, lumière, soleil. Immensité caressante des ondulences vertes ployées par la brise, dessinant les courbes de douces collines bleutées et dorées, soulignées de vert tendre. Aucune trace de présence humaine à perte de vue. La caméra continue de tourner autour d’eux. L’homme est tombé à genoux ; dans ses bras, le monstre a fait place à l’enfant qu’il fut.