Ma vie est pleine
Bien plus que je ne l’imagine
Les arbres et les bosquets
Sont d’un vert à connaître
Tu luis comme une pluie
Sur les pavés d’hiver
D’un très ancien cimetière
Mais tu n’es que passant
Les stèles aux paupières de pierre
Sont derrière toi
Plus d’étreintes dans le marbre
Tu les trouveras ailleurs
Promesses sous la peau cuir du monde
Les pieds foulant
Le sable du levant
Là où le temps s’encercle
Observe-le, ce marbre
Regarde-le
Sans cesse en toi il veut
Il impose et exige
Ses veines de granit
Mais tu l’embrasses
De cette vision d’été
Où jamais
L’horizon en sa ligne
N’a été anguleux
Oui tu embrasses le marbre
Père de toutes les manigances
Ne le laisse pas trôner
Ni clouer la lumière
Sans cesse réchauffe-le
Donne-lui un pouls
Au cœur probable de ton regard
Et par la trame certaine
De ton courage de soie
Insiste, fais et observe
Et puis un matin de frontière
Contemple bien ton œuvre
Ce marbre qui voulait
Tu le verras se fondre
Comme une étoffe vieille
Qu’un geste décida
De laisser choir au sol
Tu le verras s’abstraire
À force de la danse
Du soleil et du vent
Et des Prières de pluie
Par toi-même ordonnées
Vois-le, c’est maintenant!
Par la terre se dissoudre
Jour à jour
Absorbé
Incorporé
Vois-le
Par ce regard qui t’ouvre
Se désenchâsser de toi
Car le marbre est tout contraire
Plus il est vu
Moins il existe
Et un beau jour dis-toi
Lucide, délié et clair
Vasque d’une eau charnelle
Épargnée des victoires
Dis-toi tout simplement:
“Ici était le marbre”
Et poursuis ton chemin.