Umaniti

Dominique Radisson {Textes, poèmes & autres}

Oublierais-je, une à une, toutes les pierres de Rome

Oublierais-je, une à une

toutes les pierres de Rome

et la poussière de rêve

de ceux qui furent ses hommes

les façades fardées

du plaisir d’être vues

géométrie sacrée

aux angles de chaque rue

et les vols de corneilles

sur le Palatino

appelant de leurs chants

« revive, colosseo »

Des nuées photophores

de leurs doigts aquifères

dessinant des secrets

sur le bleu des pavés

Ou ces vols d’ombrelles

comme des hirondelles

trop longtemps délaissées

par quelque dieu des pluies

bien souvent désœuvré

Le temps, ici, à Rome

est comme l’eau des fontaines

les horloges de Rome

servent un temps ami

au lieu de l’encercler

Et ces nonnes discrètes

glissant souvent par deux

indifférentes aux flux

qui sillonnent leur ville

et dévorent leur Dieu;

elles ont, depuis longtemps

abandonné toute gêne

devant les galanteries

chuchotées des cafés

Et puis, cloches de Rome

sonnant rassemblement

en quelque point lointain

oratorios de cuivres

libérant en cascades

la meute des échos;

Oublierais-je une à une

toutes les pierres de Rome

qu’une seule, et une seule chose

jamais je n’oublierai:

l’agencement secret

des lignes de ton être

qu’un Dieu bien inspiré

en toi seule fit naître

par cent fois fit silence

parmi les pierres bavardes

Et que tu bouleversas

jusqu’aux lois immuables;

par ton éblouissance

dérobas au soleil

sa plus belle lumière

Oublierais-je une à une

toutes les pierres de Rome

qu’une chose, et une seule chose

jamais je n’oublierai:

de toutes les beautés

que mes yeux contemplèrent

de toutes les merveilles

de la Ville Eternelle

ce fut toi la plus belle.