Oublierais-je, une à une
toutes les pierres de Rome
et la poussière de rêve
de ceux qui furent ses hommes
les façades fardées
du plaisir d’être vues
géométrie sacrée
aux angles de chaque rue
et les vols de corneilles
sur le Palatino
appelant de leurs chants
« revive, colosseo »
Des nuées photophores
de leurs doigts aquifères
dessinant des secrets
sur le bleu des pavés
Ou ces vols d’ombrelles
comme des hirondelles
trop longtemps délaissées
par quelque dieu des pluies
bien souvent désœuvré
Le temps, ici, à Rome
est comme l’eau des fontaines
les horloges de Rome
servent un temps ami
au lieu de l’encercler
Et ces nonnes discrètes
glissant souvent par deux
indifférentes aux flux
qui sillonnent leur ville
et dévorent leur Dieu;
elles ont, depuis longtemps
abandonné toute gêne
devant les galanteries
chuchotées des cafés
Et puis, cloches de Rome
sonnant rassemblement
en quelque point lointain
oratorios de cuivres
libérant en cascades
la meute des échos;
Oublierais-je une à une
toutes les pierres de Rome
qu’une seule, et une seule chose
jamais je n’oublierai:
l’agencement secret
des lignes de ton être
qu’un Dieu bien inspiré
en toi seule fit naître
par cent fois fit silence
parmi les pierres bavardes
Et que tu bouleversas
jusqu’aux lois immuables;
par ton éblouissance
dérobas au soleil
sa plus belle lumière
Oublierais-je une à une
toutes les pierres de Rome
qu’une chose, et une seule chose
jamais je n’oublierai:
de toutes les beautés
que mes yeux contemplèrent
de toutes les merveilles
de la Ville Eternelle
ce fut toi la plus belle.