Quand nous ne portions plus la nuit

Nous aimions les chemins de traverse
fleurissant l’incertain
boussole vers le lointain d’une parole;

hybridés d’eau et ciel
nous glissions
vol d’écailles d’argent
sur les pentes sablonneuses
aux flancs des torrents rocailleux;

et nous avons pris part à notre progrès

non comme les cerfs abattus
les arbres flambaient d’une autre lumière, d’un autre sens
la mornitude n’avait plus cours
soustraite à nos regards
retranchée de nos vies
calfeutrée du sourire des ombres
fomentant son royaume
dans un fortin d’anciennes montagnes épointées par l’ennui

nous étions délestés de son poids saillant
celui de la foule des hommes à la tête abaissée

mais sous les pierres calcinées
palpitait une ancienne mémoire
des chants fendus, des os d’oiseaux
des germes d’insoumission
ralentis mais non morts

nous n’avions plus de torches
mais la nuit elle-même s’entrouvait
par endroits
et l’ombre portait en elle
la lourde pesanteur de sa densité lente

croisés, flammes pures

des enfants au regard vaste
cueillaient les cendres
et les appelaient pollen
ils ne savaient pas encore
ce que le mot avenir voulait dire
mais ils en gravaient le souffle
sur les parois d’un monde à naître

alors nous avons tendu la main
non pour guider
mais pour sentir
la matière de ce qui vient.